Tutoriel : maîtrisez le brassage tout grain

Il existe deux grandes méthodes de brassage de bière en amateur : le brassage avec kit et celui tout grain.

Si les kits sont parfaits pour débuter ou expérimenter, le brasseur plus expérimenté se tourne rapidement vers le brassage tout grain, qui offre une plus grande maîtrise du processus.

Découvrez les 12 étapes du brassage tout grain et apprenez à les maîtriser grâce à ce tutoriel.

Spoiler : La douzième est la préférée de tous les brasseurs. 

Kit de matériels de brassage de bière

1. Préparation du brassage

Brasser de la bière en tout grain demande de l’organisation et de la préparation.

Avant tout, vous devez préparer l’espace « brasserie » de votre maison (cuisine, garage, sous-sol…). Débarrassez le lieu de tout ce qui pourrait vous gêner et libérez les espaces de circulation.

N’oubliez pas que vous allez manipuler des liquides très chauds. Ce n’est pas le moment de se prendre les pieds dans une chaise ou un tapis.

Ensuite, rassemblez tout le matériel et les ingrédients dont vous aurez besoin lors de votre session de brassage. Cela vous fera gagner un temps précieux et évitera tout affolement en cours de route.

Surtout, vérifiez que vous disposez de toutes les quantités d’ingrédients nécessaires (malt, houblons…). Une fois le brassin lancé, il peut être compliqué d’ajuster la recette.

Enfin, stérilisez votre matériel, surtout celui qui va entrer en contact avec le moût après ébullition.

Celui-ci devra scrupuleusement être nettoyé puis désinfecté.

La propreté est l’élément fondamental pour éviter la contamination de votre moût par des bactéries qui transformeraient votre bière en vinaigre ! Soyez particulièrement attentif au nettoyage des cuves, barboteurs, joints, robinets, etc. 

Si vous êtes un brasseur organisé, vigilant et soigneux, tout ira bien !

2. Concassage

Le concassage du malt consiste à éclater les grains de malt pour les réduire en morceaux grossiers.

Cette étape permet également d’expulser l’amidon blanc qui se trouve au centre du grain tout en conservant au maximum son enveloppe intacte.

Humidifiez légèrement le malt 30 minutes avant son concassage. Cette astuce lui permettra de conserver son enveloppe intacte, améliorant ainsi sa qualité de filtration et le rendement.

Pour concasser votre malt, utilisez un moulin à malt (concasseur à grain) en fonte ou à rouleaux, assurant un concassage précis et de qualité.

La difficulté de cette étape : trouver le bon réglage de mouture, selon les variétés de grains utilisés. Gardez bien à l’esprit qu’un concassage trop farineux posera un problème lors de la filtration des drêches !

Bon à savoir
La finesse des grains dépend du type de malt, mais aussi de la méthode de brassage tout grain.

En effet, si vous brassez en sac (méthode Brew in a bag ou brassage en sac) plus le concassage est fin, meilleur sera le rendement.

À l’inverse, si vous utilisez une cuve tout-en-un (Grainfather, Brew Monk…), un concassage trop fin diminuera le rendement et risque de boucher le filtre.

Pour plus de détails sur la méthode de brassage en sac, découvrez notre article sur le sujet :
Comment brasser de la bière en sac (BIAB) ?

Concassage du malt d'orge
Empattage des grains

3. Empâtage des grains

L’empâtage est la première étape du brassage de la bière. D’ailleurs, on l’appelle aussi l’étape du brassage.

Elle consiste à tremper le malt concassé dans de l’eau chaude pendant une heure afin de procéder à l’extraction de l’amidon qu’il contient pour le transformer en sucres fermentescibles.

Pour cela, vous allez devoir chauffer votre eau en respectant différents paliers de température. Ces paliers permettent aux enzymes qui vont « couper » les molécules d’amidon d’opérer de manière optimale.

Ils dépendent de la recette et du profil de brassage choisis. On considère généralement que la température de trempage des grains se situe de 65 à 68 °C.

On distingue deux types d’empâtage :

Le brassage mono-palier

C’est le mode d’empâtage le plus simple.

C’est la technique anglaise par excellence, idéale pour brasser des bières équilibrées avec un ratio sucres fermentescibles et non fermentescibles de 50/50.

Il suffit de maintenir votre palier de température à 67 °C pendant 60 min.

Le brassage multi-palier

C’est la technique la plus utilisée dans les Hauts-de-France et en Belgique.

Elle consiste à brasser le moût durant 60 minutes minimum, à plusieurs paliers de température, permettant ainsi d’extraire différents sucres simples et complexes (fermentescibles et non fermentescibles).

Cette technique permet de faire des bières plus gourmandes, dans le style bien connu des bières belges.

Elle nécessite toutefois une bonne maîtrise de son matériel et de sa chauffe.

Exemple de paliers : 15 min à 62 °C, 30 min à 66 °C et 30 min à 70 °C.

Le mélange de malt concassé et d’eau s’appelle alors la maische. L’opération se nomme « empâtage » en raison de l’aspect pâteux du mélange eau et grain de malt.

Pour aller plus loin, découvrez nos
7 questions à se poser pour maîtriser l’empâtage.

4. Filtration des grains de malt

Quand l’empâtage est terminé, transvasez la maische dans la cuve de filtration puis laissez reposer quelques minutes. Pendant le transfert, veillez à limiter au maximum l’oxygénation afin de prévenir l’oxydation.

Les résidus de malt concassé (qu’on appelle drêches) vont décanter et former un « gâteau » au fond de la cuve filtre.

Dans un premier temps, ne le mélangez pas. Devenu un véritable filtre naturel, ce gâteau est capable de retenir les plus petites particules de farine.

Un malt concassé trop finement améliorera l’extraction des sucres, mais risque de bloquer le filtre de votre cuve et de créer une couche difficilement perméable, rendant le filtrage très long et fastidieux.

Après avoir laissé reposer la cuve de filtration, ouvrez délicatement le robinet pour prélever quelques litres du moût.

Versez-les à nouveau dans la cuve pour le faire recirculer et passer dans le filtre à plusieurs reprises. Le moût est ainsi clarifié naturellement. Répétez l’opération jusqu’à obtenir un moût plus clair.

Une fois le moût suffisamment clair, fixez un tuyau sur le robinet de votre cuve de filtration et laissez-le tomber dans votre cuve d’ébullition. Ouvrez délicatement le robinet et laissez le moût filtré se déverser dans l’autre cuve.

Lorsque la cuve de filtration est presque vide, rincez les drêches avec une eau préalablement chauffée à 80° C. Cette étape permet de récupérer un maximum du sucre encore contenu dans les grains concassés.

Filtration de la maiche

Bon à savoir
Il est crucial de bien calculer la quantité d’eau de rinçage nécessaire avant de commencer le rinçage. Cela déterminera le volume de moût avant ébullition (et donc le volume final de bière).

Ce calcul comporte plusieurs variables :

  • la quantité d’eau retenue par le malt (entre et 0,6 et 0,825 L/kg, selon les variétés),
  • celle disparue par évaporation lors de l’ébullition (+/- 20 %),
  • et l’éventuelle quantité de moût perdu lors du transfert.

Le lavage des drêches nécessite de 1,5 à 2 litres d’eau par kg de grain.

Pour un brassin de 20 litres, comptez donc environ 24,5 litres de moût avant ébullition, la quantité d’eau de rinçage étant d’environ 9,5 litres.

Houblonnage lors de l'ébullition

5. Ébullition

L’ébullition consiste à chauffer le moût jusqu’à une ébullition franche.

On reconnaît le début de l’ébullition à la formation d’une mousse. Soyez attentif et ne vous laissez pas surprendre par le débordement de votre cuve ! La mousse disparaît après quelques minutes de cuisson.

Ne couvrez pas totalement la cuve d’ébullition pour laisser le moût s’évaporer et notamment les composés indésirables comme le diméthylsulfure, qui apparaît lors de la cuisson et peut provoquer des faux-goûts.

En outre, cela augmente les risques de débordement.

Une fois l’ébullition franche atteinte, vous pouvez ajouter les houblons amérisants.

Il est conseillé de mettre le houblon dans un sac à houblon ou filtre en inox (hop spider). Cela limitera la dispersion des résidus solides dans le moût et facilitera le retrait du houblon de la cuve.

Lors de l’ajout du houblon, le moût moussera moins, grâce aux huiles essentielles contenues dans celui-ci. Remuez régulièrement le moût afin d’extraire le maximum d’arômes de houblon.

On peut également remarquer des flocons blanchâtres en activité dans le moût : ce sont des albumines (ou de la cassure à chaud), formées par la coagulation des protéines du malt sous l’effet de la chaleur.

Mélangez le moût de temps en temps. En fin de cuisson, selon la recette, ajoutez les houblons aromatiques et éventuellement le sucre, les épices ou autres, afin d’apporter les saveurs de votre choix à votre future bière.

Dans le cas d’un refroidissement avec un serpentin à spirale, plongez celui-ci dans le moût 15 minutes avant la fin de l’ébullition pour le stériliser et tuer toutes les bactéries.

À la fin, coupez le feu, retirez le houblon et les additifs.

6. Refroidissement du moût

Plusieurs techniques de refroidissement du moût s’offrent à vous : naturellement, avec un serpentin ou avec un échangeur à plaques.

Chaque technique est présentée en détail dans notre article
« Comment refroidir son moût efficacement ? ».

Quelle que soit la méthode, il est important de refroidir le moût le plus vite possible : en effet, les températures comprises entre 20 et 70 °C sont les plus favorables au développement d’infections.

Comme le moût passe par ces températures lors de son refroidissement, il est crucial d’utiliser du matériel propre et désinfecté et de limiter son exposition à l’air libre.

Si vous utilisez un serpentin à spirale, nettoyez-le puis plongez-le dans le moût bouillant 15 minutes avant la fin de l’ébullition pour le stériliser.

Ensuite, branchez une extrémité du tuyau au robinet d’eau froide. L’autre tuyau se place dans un grand seau ou dans l’évier. Ouvrez le robinet : l’eau circule dans le serpentin et refroidit le moût par échange thermique.

Contrôlez la température du moût pour atteindre une température de 20 °C environ.

Procéder à un whirlpool (effet cyclone) permet de rassembler en fond de cuve les derniers éléments solides du moût (albumines, résidus de houblon, épices…).

Pour réussir votre whirlpool, utilisez une grande cuillère ou un fourquet pour donner un mouvement circulaire au moût. La force centrifuge rassemblera les particules solides au centre de la cuve.

Le moût peut maintenant être soutiré dans la cuve de fermentation, soit par le robinet, soit avec un siphon automatique par le dessus.

Refroidissement du moût avec un serpentin
Levure de bière

7. Réhydratation et préparation des levures

Certaines levures nécessitent une réhydratation avant utilisation. En effet, sous leur forme déshydratée (en poudre), elles ne sont pas prêtes à affronter les conditions agressives du moût (pH, température, sucres…).

Il faut donc les laisser se réveiller doucement dans de l’eau bouillie (et donc stérile) puis refroidie. Pour cela, remplissez un demi verre d’eau tiède (de 20 à 28 °C, jamais au-delà de 32 °C, au risque de tuer la levure). Versez-y le sachet de levure, mélangez le tout et patientez de 15 à 30 minutes, selon la souche.

Au bout de quelques minutes, la levure va se réactiver et une mousse va se former dans le verre, signe que celle-ci reprend une activité. Cette étape permet de favoriser le développement et la propagation de la levure et d’obtenir une fermentation plus vigoureuse, avec un démarrage plus rapide, car la dose de levure sera maximale et en pleine forme.

Vous pouvez également réaliser un starter (ou pied de cuve) afin de mettre les levures dans les meilleures conditions possibles.

8. Mesure de la densité initiale

On mesure la densité du moût à l’aide d’un densimètre ou d’un réfractomètre.

Si vous utilisez un densimètre, prélevez un échantillon dans une éprouvette (graduée ou non) et faites-y flotter le densimètre.

Si vous utilisez un réfractomètre, déposez quelques gouttes sur le prisme en verre.

Afin d’écarter tout risque de contamination, ne reversez jamais l’échantillon de moût prélevé dans la cuve de fermentation.

La mesure de la densité avant fermentation permet de connaître le taux en sucre de votre moût (densité initiale), mais elle est aussi utile pour connaître le taux d’alcool final de la bière. Plus la densité initiale est élevée, plus la bière sera forte en alcool.

Découvrez toutes nos astuces pour mesurer efficacement la densité de votre moût.

Prise de densité
Fermentation : transfert du moût

9. Fermentation

Après refroidissement, le moût est transféré dans un fermenteur puis ensemencé avec une levure à bière.

Le fermenteur peut être un simple seau en plastique ou une cuve en inox, conique ou à fond plat. 

Découvrez nos conseils pour bien choisir votre fermenteur.

Il existe deux méthodes de fermentation.

  1. La fermentation haute, à une température d’environ 22 °C. Les bières obtenues sont appelées « ale ».
  2. La fermentation basse, à une température d’environ 12 °C. On obtient alors des « lager ».

Placez la cuve de fermentation dans un endroit sec, à l’abri de la lumière et à température stable :

  • De 18 à 22 °C, dans le cas d’une levure de fermentation haute. En effet, certaines levures développent des saveurs astringentes au-dessus de ces températures. Si la température est inférieure à 18 °C, la levure ralentira ou arrêtera probablement son travail et la fermentation sera plus longue.
  • De 10 à 15 °C, pour une levure de fermentation basse. Une température trop forte nuira au goût, tandis qu’une température trop basse empêchera le bon développement des levures.

Remplissez le barboteur avec de l’eau et du Chemipro San ou avec un alcool fort et posez-le sur le fermenteur.

La fermentation de la bière suit un déroulement unique obéissant au cycle de vie de la levure.

On a coutume de la distinguer en 3 phases :

  • La respiration : elle dure de 3 à 6 jours et forme dans le fermenteur une épaisse mousse appelée le kräusen.
  • La fermentation primaire : elle dure de 6 à 15 jours, selon le type de levure utilisée. Elle est visible, grâce à sa forte production de CO2, et audible grâce aux « glouglous » du barboteur.
  • La fermentation secondaire (garde à froid ou cold crash) : elle dure de 2 à 5 semaines. Grâce au froid, elle permet de sédimenter la levure en suspension dans le moût, et ainsi de clarifier la bière.

10. Embouteillage

L’embouteillage consiste à mettre le moût fermenté en bouteille, canette ou en fût. 

La refermentation en bouteille va permettre de conserver la bière et de gazéifier le moût. En canette ou en fût, la gazéification se fait grâce à l’ajout manuel de CO2.

Découvrez les différences entre ces trois conditionnements notamment leur impact sur la conservation de votre bière.

Pour séparer la levure morte et clarifier la bière, il est conseillé de transférer le moût dans une cuve de resucrage (un simple seau peut suffire) depuis le fermenteur.

Vous pouvez ensuite resucrer le moût en ajoutant 7 g de sucre par litre de moût pour un conditionnement en bouteille et 2,5 g/l pour un fût.

Ne forcez pas trop sur la dose de sucre lors de l’embouteillage, au risque de voir la bouteille exploser ou se vider toute seule lors de son ouverture. C’est ce qu’on appelle le gushing (jaillissement).

Une fois les bouteilles remplies, fermez-les hermétiquement à l’aide d’une capsuleuse ou de bouchons mécaniques.

Il existe deux tailles de capsules : le diamètre 26 mm pour les bouteilles classiques (25, 33 et 50 cl) et le diamètre 29 mm pour les bouteilles de type champenoises (37,5 et 75 cl).

Découvrez nos astuces pour choisir le bon diamètre de capsule.

Les bouteilles à bouchons mécaniques, réutilisables, sont également très pratiques pour les brasseurs amateurs.

Pensez simplement à vérifier régulièrement l’état des joints et à les désinfecter en même temps que les bouteilles avant utilisation.

Capsuleuse
Bouteilles de bière

11. Refermentation en bouteille

On appelle aussi cette étape maturation ou garde.

Placez les bouteilles debout dans un endroit tempéré et à température stable, de 20 à 25 °C. Laissez reposer pendant au moins 2-3 semaines, le temps que la refermentation en bouteille s’opère correctement.

Le sucre ajouté lors de l’embouteillage aide les levures à poursuivre leur processus. À la différence de la fermentation, le gaz généré par la refermentation reste enfermé dans la bouteille et se mélange à la bière, la rendant gazeuse.

Une fois la bière refermentée en bouteille, le lieu de stockage idéal est un endroit frais, sec et à l’abri de la lumière, comme une cave ou un garage.

12. Dégustation

Après la refermentation en bouteille, votre bière est déjà buvable.

Il faudra toutefois s’armer d’encore un peu de patience et attendre qu’elle mûrisse en bouteille durant quelques semaines. Une période de garde plus importante (1 à 2 mois) affinera le goût de la bière, la rendant moins astringente, et laissera le temps aux arômes de s’harmoniser. 

On peut garder la bière en bouteille pendant plus d’un an, surtout pour les bières brunes et fortes en alcool. Le goût, à la longue, sera moins amer et tendra vers la madérisation. À essayer pour les bières de Noël pleines d’épices !

Après cette attente, votre bière est prête à être dégustée, avec modération. Nous vous souhaitons une bonne dégustation !

Dégustation de bière entre amis

Pour approfondir le sujet et parfaitement maîtriser les techniques de brassage de la bière, nous vous conseillons ces livres :

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