Bière artisanale : 7 questions à se poser pour maîtriser les techniques d’empâtage

En théorie, brasser une bière est particulièrement simple : il suffit de mélanger du malt, du houblon et de l’eau.

En pratique, il vous faudra maîtriser différentes techniques, à commencer par l’empâtage.

Voici toutes les clefs pour réussir cette étape fondamentale pour un brassin réussi.

Qu’est-ce que l’empâtage ?

L’empâtage est l’étape préférée d’un grand nombre de brasseurs amateurs.

Non seulement c’est celle sur laquelle le brasseur a le plus de maîtrise, mais c’est aussi un régal pour les narines, car les grains de malt libèrent tous leurs arômes.

L’objectif principal de l’empâtage est de transformer les amidons contenus dans les céréales en sucres.

C’est ce qu’on appelle la saccharification.

Empâtage d'un brassin

Crédit Josh Delp

Empâtage d'un brassin

Crédit Brian Lauer

Deux types de sucres sont obtenus :

  • Les sucres « simples » (comme le maltose), qui nourrissent les levures et se transforment en alcool et en gaz lors de la fermentation.
  • Les sucres complexes, qui ne sont pas fermentescibles et donnent du corps à la bière.

La conversion de l’amidon en sucres est donc l’aspect le plus important du brassage de bière.

Elle est le résultat d’un enchaînement de réactions chimiques, dont les principales actrices sont deux enzymes, naturellement présentes dans les céréales :

  • L'alpha-amylase, qui crée les sucres complexes qui ne sont pas transformés en alcool et restent présents dans la bière.
  • La bêta-amylase, qui transforme l’amidon en maltose, qui sert de nutriment aux levures pendant la fermentation.

Ces enzymes agissent comme des « ciseaux » qui vont couper les molécules d’amidon.

Ce sont donc des outils essentiels pour la saccharification du malt. Le travail du brasseur est ainsi de transformer un maximum d’amidon en sucres.

Pour y parvenir, les enzymes doivent être utilisées dans des conditions optimales. C’est ce qu’on appelle les paliers enzymatiques.

Ainsi, l’alpha-amylase est à son optimum autour de 70 °C contre environ 62 °C pour la bêta-amylase (ou 60 °C, selon les sources).

Bon à savoir : cela ne signifie pas que les enzymes ne sont actives qu’à ces températures. Elles restent actives en dehors de ces paliers, mais sont moins performantes.

Lors de l’empâtage, les deux enzymes sont à l’œuvre, mais il est possible de favoriser l’une ou l’autre en jouant sur les paliers de température.

À noter que ces paliers de température varient selon les céréales. Ainsi, le riz doit préalablement être bouilli pour que les enzymes puissent commencer à faire leur travail.

Pour comprendre les principales réactions chimiques qui s’opèrent, nous vous conseillons le livre « Secrets de brasseurs » qui nous a beaucoup aidé dans la rédaction de cet article.

Quelle est la différence entre un empâtage monopalier et multipalier ?

L’empâtage monopalier consiste à ne recourir qu’à un seul palier de saccharification, et donc à conserver la même température pendant tout l’empâtage.

C’est la technique la plus souvent recommandée en brassage amateur.

Généralement, les kits et recettes recommandent une température comprise entre 66 et 68 °C durant une heure.

L’empâtage multipalier permet une meilleure maîtrise de l’activité des enzymes. En fonction du style de bière recherché, on favorisera donc une enzyme plutôt qu’une autre.

Par exemple, si vous souhaitez une bière avec beaucoup de corps, mais un faible degré d’alcool, vous pouvez brasser pendant 45 minutes à 62 °C et durant 15 minutes à 69 °C.

Si l’approche multipalier permet une meilleure maîtrise des réactions chimiques, elle est plus contraignante et nécessite de bien contrôler sa chauffe.

Bon à savoir : certains brasseurs utilisent la technique du mash out, consistant à chauffer le moût en fin de saccharification jusqu’à une température de 77 °C environ.

À cette température, le processus enzymatique est arrêté. Les enzymes ne continuent donc pas leur travail pendant le rinçage des drêches, ce qui a pour effet de fixer la fermentabilité du moût.

Cette technique est surtout utilisée pour les gros brassins.

Enfin, certaines sources recommandent de pratiquer un palier protéique à 50 °C pendant 10 à 20 minutes afin d’augmenter la limpidité du moût. Avec les malts modernes, l’intérêt de cette technique est toutefois de plus en plus contesté, car elle aurait tendance à dégrader la tenue en mousse.

Comme souvent en brassage, nous vous conseillons de faire vos propres expériences.

Quelle technique de chauffe privilégier ?

Que vous brassiez en mono ou en multipalier, maîtriser votre chauffe est essentiel à la réussite de votre empâtage.

Les cuves de brassage automatisées, comme celles de Grainfather ou de Brewmonk, facilitent grandement la gestion de la température.

Mais, si vous optez pour la technique du brew in a bag (BIAB), vous aurez trois options :

  1. La chauffe directe est la plus simple. Il vous suffit d’une marmite, d’une source de chaleur (gaz, électricité…) et d’un thermomètre.

    Les paliers sont atteints en augmentant ou en diminuant la puissance de la source de chaleur. Elle est le plus souvent recommandée pour les brasseurs amateurs.

    Attention toutefois à brasser régulièrement votre maische pour éviter de brûler le fond de votre cuve.
  2. L’infusion nécessite davantage de matériel, mais évite d’avoir à brasser constamment la maische.

    L’eau est d’abord chauffée dans une cuve de chauffe avant d’être transvasée dans une cuve de brassage isolée qui contient le malt.

    Vous devrez calculer précisément la quantité d’eau et la température car il est impossible de corriger le tir, une fois l’infusion commencée.
  3. La décoction : contrairement aux deux autres méthodes, la décoction vise à passer rapidement d’un palier à l’autre.

    Une petite quantité de maische est prélevée afin de la faire bouillir dans une cuve de décoction, avant de la réintégrer dans la cuve principale.

    La température du palier s’ajuste alors en fonction de la quantité de maische prélevée. En raison de sa complexité et de sa dangerosité, elle est de moins en moins utilisée.
Empâtage d'un brassin

Exemple d'empâtage par chauffe directe.
Crédit Stepas

Empâtage d'un brassin

Exemple d'empâtage par infusion.
Crédit Brian Lauer

De quel matériel ai-je besoin ?

Le matériel utilisé pour l’empâtage dépend du type de brassage que vous souhaitez réaliser :

  • Avec un kit, vous avez besoin d’une source de chaleur, de deux grandes marmites, d’un thermomètre et d’un fourquet.
  • Avec une cuve tout-en-un, un simple fourquet suffit, car la cuve fait le reste.
  • Pour un brassin en BIAB, en plus d’une cuve de brassage, d’un thermomètre et d’un fourquet, vous aurez besoin d’un sac de brassage et nous vous conseillons de porter des gants pour éviter de vous brûler.

    Prévoyez également de quoi soulever le sac, qui peut être très lourd.

Utilisation d'un fourquet pour brasser.
Crédit Derek Wolfgram

Brassage avec une cuillère en bois.
Crédit Matthew Frederickson

Brassage avec un fourquet.
Crédit Anton Kom

Pourquoi et comment calculer le rendement de son empâtage ?

Le rendement correspond à la quantité de sucre récupérée à la fin de l’empâtage, après la filtration, et s’exprime en pourcentage.

C’est une donnée importante à connaître, car elle conditionne la suite de votre brassage, notamment la fermentation.

Le rendement dépend de plusieurs facteurs :

  • le type et la qualité du malt ou des céréales utilisées,
  • la finesse du concassage,
  • les paliers utilisés,
  • la réalisation ou non d’un mash out,
  • les conditions de brassage,
  • la vitesse de rinçage,

Il est donc pratiquement impossible d’atteindre le rendement maximal théorique de chaque céréale (qui varie de 55 à 84 %), calculé en conditions de laboratoire.

Pour calculer le rendement de son brassage, le plus simple est d’utiliser le calculateur de Little Bock ou celui de Brewer’s Friend (en anglais, mais plus détaillé).

Pourquoi et comment calculer le volume d’eau pour l’empâtage ?

Si vous ne suivez pas de recette toute faite ou que vous expérimentez pour créer une nouvelle bière, connaître le volume d’eau nécessaire à son brassin est indispensable.

Bon à savoir : gardez en tête que la quantité d’eau évolue tout au long du brassage. Une partie va être absorbée par les céréales, vous allez en rajouter au moment du rinçage, et une grande partie va s’évaporer, notamment après l’ébullition.

Pour calculer le volume d’eau nécessaire à l’empâtage, il faut considérer :

  • la quantité de malt (en kg),
  • le volume de moût final cible (en L),
  • le ratio eau/kilos de malt.

Ce dernier critère est le plus complexe à calculer. Il correspond à la quantité d’eau par rapport à la quantité de grains, et varie entre 2,5 et 3,5 L/kg.

Un ratio de trois est généralement conseillé pour débuter, et faciliter les calculs.

Ainsi, pour 5 kilos de malt, il vous faudra 15 litres d’eau.

Ce ratio est important, car il détermine la concentration des enzymes et leur capacité à produire des sucres fermentescibles et non-fermentescibles.

Il faut également considérer le type de cuve utilisée : une cuve avec un panier à grain laisse un espace mort entre le fond du panier et celui de la cuve.

Ce volume n’est pas perdu, mais l’eau qui y est présente n’est pas en contact avec le malt. Celui-ci peut faire plusieurs litres, et doit donc être ajouté au volume calculé précédemment.

La formule finale est donc :

Volume d’empâtage (L) = quantité de céréales (kg) * ratio (L/kg) + volume espace mort (L)

Faut-il traiter son eau de brassage ?

Si vous débutez dans le brassage, ce n’est pas indispensable. Concentrez-vous sur la maîtrise des techniques d’empâtage.

En revanche, si vous avez de l’expérience et souhaitez améliorer le profil de votre eau de brassage, nous vous conseillons la lecture de notre article sur comment doser et utiliser les minéraux et sels de brassage.

À quoi sert le test à la teinture d’iode ?

Réalisation d'un test à la teinture d'iode.
Crédit Brian Lauer

De nombreux ouvrages recommandent, à raison, de faire un test à la teinture d’iode.

Il consiste à faire réagir l’iode à la présence d’amidon, afin de s’assurer que la saccharification est terminée, qu’il ne reste pas d’amidon à transformer et, par conséquent, que votre empâtage est terminé.

Sa réalisation est très simple :

  • Prélevez, avec une pipette, quelques millilitres de moût et versez-le dans un récipient.
  • Versez quelques gouttes de teinture d’iode.

Si le moût change de couleur et devient bleu/violet, cela témoigne de la présence d’amidon. Il vous faut donc continuer l’empâtage.

Si aucune couleur n’apparaît, cela signifie que la conversion de l’amidon en sucre est terminée.

C’est un élément de contrôle très utile pour vérifier le bon déroulement de votre empâtage.

Nos conseils :

  • Choisissez un récipient clair, voire transparent pour que le changement de couleur soit bien visible.
  • Si votre moût est chaud, le changement de couleur ne sera pas visible. Il faut donc faire le test sur un moût refroidi à température ambiante (ce qui est assez rapide si vous ne prélevez que quelques millilitres).
  • Pour vos premiers tests, nous vous conseillons de faire d'abord un test avec un échantillon de malt concassé cru. Cela vous permettra de visualiser le résultat attendu en présence d’amidon.

Conclusion

Le processus d’empâtage est une étape essentielle à la réalisation d’une bière. 

Elle vise à transformer l’amidon présent dans le malt en sucre, et intervient juste avant le filtrage et l’ébullition du moût.

Si cette étape est assez simple dans sa réalisation, elle nécessite de maîtriser quelques bases et de bien connaître son matériel.

Pour toute question, notamment sur le matériel à utiliser, n’hésitez pas à nous contacter.

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