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[GUIDE] Brasser avec des épices et des aromates
S’il y a un domaine qui illustre l’importance de l’expérimentation dans le brassage, c’est bien l’usage des épices et des aromates.
C’est bien simple : il n’y a aucune règle absolue. En théorie, n’importe quelle épice peut être utilisée dans n’importe quel style de bière, et ajoutée à n’importe quel moment. En bref, chaque brasseur fait comme il veut.
Dans la pratique, tous les mélanges ne sont pas souhaitables. Il y a également quelques bonnes pratiques à respecter, au risque de produire une bière imbuvable.
Dans ce guide, vous découvrirez :
- quelles sont les épices les plus adaptées au brassage,
- comment les utiliser et à quel moment du brassage les ajouter,
- les grands principes légaux pour les microbrasseurs professionnels.
Aromates, épices, additifs : quelles différences ?
Parce que ces termes sont souvent utilisés à tort, il nous semble important de faire ce petit rappel lexical avant de rentrer dans le détail.
Celui-ci vous sera utile pour la précision de vos étiquettes (surtout si vous êtes professionnel).
Un aromate est une substance parfumée d’origine végétale (ex : persil, aneth, thym, cerfeuil…). Il est majoritairement issu de plantes et dégage un parfum, généralement agréable, qu’on appelle arôme. En brassage, ce sont souvent ces arômes, plus que le goût, qu’on va chercher à valoriser.
Une épice – épice étant bien un mot féminin – est également d’origine végétale. Toutefois, les épices ne proviennent pas seulement des plantes, mais aussi des écorces, des fleurs, des feuilles, des bulbes ou encore des graines. À la différence d’un aromate, une épice est le plus souvent obtenue après séchage ou transformation. Son rôle est de relever le goût de vos bières et, selon l’épice, de la colorer.
Un additif alimentaire est une substance, naturelle ou non, ajoutée à une bière pour en améliorer les propriétés. C’est un terme générique qui regroupe les épices, les aromates, les sucres ou encore les sels minéraux. Dans cet article, il est utilisé pour désigner exclusivement les épices et les aromates.
Comment brasser avec des épices ou des aromates ?
Redoutés par de nombreux brasseurs amateurs en raison de leur complexité d’utilisation, les épices et les aromates sont pourtant indissociables de la bière.
D’ailleurs, vous brassez déjà avec un aromate, probablement sans en avoir conscience : le houblon. On l’oublie souvent, mais le houblon a longtemps été un aromate comme un autre (au même titre que la bruyère, la sauge, la coriandre…) avant de devenir l’ingrédient de base des bières modernes.
Avant même d’utiliser les aromates, les premiers brasseurs avaient recours à des mélanges d’épices pour masquer les faux goûts autant que pour les saveurs. C’est ce que l’on appelle le gruit.
Quelles épices ou aromates utiliser ?
Comme indiqué en introduction, théoriquement, vous pouvez utiliser n’importe quelle épice ou aromate.
Dans les faits, votre choix va être restreint selon trois critères :
- les ingrédients caractéristiques d’un style particulier ;
- l’association des saveurs, si vous créez votre propre recette (toutes les saveurs ne se marient pas ensemble) ;
- les attentes de vos futurs consommateurs.
Par exemple, si vous brassez une bière de Noël, des mélanges trop novateurs risquent de perturber les consommateurs, qui s’attendent à retrouver certaines saveurs et odeurs.
Voici une liste non exhaustive d’épices et d’aromates utilisés en brassage, pour stimuler votre créativité (source : Homebrewtalk.com, en anglais) :
Les épices pour le brassage
Les quantités sont données pour des brassins d’environ 20 litres (5 gallons). Ces indications peuvent être ajustées en fonction de vos goûts.
Épice | Caractéristiques | Conseils de brassage |
---|---|---|
Anis | Idéal pour réhausser les saveurs des malts dans les bières puissantes. | Entre une demi cuillère et une cuillère à café pendant l’ébullition. |
Cannelle | Épice phare des bières d’hiver, plus polyvalente qu’il n’y paraît. S’accorde bien avec le chocolat ou le malt. | Entre 2 et 5 bâtons ou 2-3 cuillères à café. Certains brasseurs ajoutent une demi cuillère à café pour réduire l’aération du moût à chaud et stabiliser le moût. Privilégier l’ajout des bâtons lors de la fermentation secondaire. |
Cardamome | Peut facilement dominer les autres saveurs. | Peut transformer le profil d’une bière (ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose). Elle doit toutefois être utilisée en petite quantité (maximum 15 g ou 5 graines). Ajouter flamme éteinte ou au moment de l’embouteillage s’il s’agit d’un mélange. |
Coriandre | Graines apportant une saveur d’agrumes épicés. | Ajouter en cours d’ébullition ou en très petite quantité en cours de fermentation primaire. |
Curry | Comme il s’agit d’un mélange, il est très polyvalent et peut être âcre, parfumé ou épicé selon les variétés et les dosages. | Soyez prudent concernant le dosage, surtout en fonction des épices utilisés dans le mélange. Adapté aux bières déjà épicées comme les bières belges ou les Porter. |
Gingembre | Épices puissante, idéale pour des bières servies en accompagnement de fruits de mer. Peut être centrale ou mélangée à d’autres épices. | De 5 à 45 grammes maximum. Incorporer 15 minutes avant la fin de l’ébullition pour avoir le piquant du gingembre sans son arôme puissant. Dès 30 g, le gingembre peut dominer certains styles de bières comme les triples, les saisons ou les Golden Ales. |
Maniguette (graine de paradis) | Aussi connu sous le nom de poivre de Guinée. Épice aux flaveurs d’agrumes, de pin et de poivre noir. | Entre 1 et 8 g de graines. Peut-être utilisé en alternative fruitée au poivre noir ou en remplacement épicé de la coriandre. |
Noix de muscade | Épice phare des bières d’hiver, généralement comme faisant partie d’un mélange. | De 3 à 20 grammes. Elle doit être ajoutée moulue, 5-10 minutes avant la fin de l’ébullition ou en épiçage à cru dans le cas d’un mélange. S’associe bien avec la vanille ou des herbes mentholées. |
Poivre | Peut faire ressortir le côté épicé de certaines levures. | Incorporer entre 0,5 et 1 cuillère à café en toute fin d’ébullition (maximum 5 minutes). Accompagne idéalement les bières à base de blé ou d’avoine. |
Poivre de Cayenne | Goût fruité et piquant qui donne un coup de fouet. | S’accorde particulièrement avec le chocolat ou les infusions de fruits. Entre 1 et 5 cuillères à café, 5 minutes avant la fin de l’ébullition. Un ajout léger sera peu perceptible, mais donnera un caractère intéressant à vos bières. |
Bon à savoir
Les piments sont à éviter, car leur saveur tranchée s’intègre difficilement dans une recette et risque de la déséquilibrer. Les utiliser demande une bonne maîtrise des réactions chimiques qui se produisent lors du brassage.
Les aromates pour le brassage
Les quantités sont données pour des brassins d’environ 20 litres (5 gallons). Ces indications peuvent être ajustées en fonction de vos goûts.
Aromate | Caractéristiques | Conseils de brassage |
---|---|---|
Basilic | Accentue la saveur des houblons des bières faiblement houblonnées. Ne convient toutefois pas à toutes les bières. | Pas plus de 100 g pendant l’ébullition ou une fois la chauffe arrêtée (flameout). |
Lavande | Aromate très parfumé, rarement utilisé en brassage. Certains brasseurs l’utilisent toutefois pour apporter des nuances inattendues à leurs bières. | De 15 à 30 g. À utiliser avec précaution : trop de lavande donnera à votre bière des airs de parfum ou de savon. Privilégiez l’ajout sous forme d’infusion ou de teinture mère lors de la fermentation secondaire. |
Menthes (poivrée, verte…) | Aromate très puissant. | Cette famille d'aromates illustre parfaitement l’adage « moins, c’est mieux ». Réservé aux brasseurs avancés tant son dosage est complexe. |
Persil | Flaveurs fraîches, herbeuses, légèrement mentholées. | Idéal dans un mélange d’épices ou d’aromates. |
Quand les ajouter ?
Comme vous avez pu le noter dans les tableaux précédents, la plupart des épices et des aromates s’ajoutent au moment de l’ébullition.
Il est toutefois possible de les ajouter lors de la fermentation secondaire, voire directement au moment de l’embouteillage.
Le choix du meilleur moment dépend :
- De vos besoins, entre arômes et saveurs. Comme pour le houblon, plus vous ajoutez vos additifs tôt, plus vous aurez de saveurs et moins vous aurez d’arômes. Pour favoriser les arômes, ajoutez-les en fin d’ébullition ou à cru.
- Du type d’additif : les racines, les graines ou les écorces nécessitent plus de temps pour révéler leurs saveurs. À l’inverse, les plantes séchées n’ont besoin que de quelques minutes pour infuser votre moût. Fraîches, on privilégiera l’ajout à cru.
Bon à savoir
Il est recommandé de tremper vos additifs dans un alcool fort (type vodka) quelques minutes pour éliminer tout risque de contamination lors de l’ajout à cru. La réalisation d’une infusion sera nécessaire pour ajouter vos épices et vos aromates au moment de l’embouteillage.
Selon la taille de votre brassin, vous aurez peut-être besoin de prendre en compte cet ajout de liquide dans vos calculs de volumes.
Comment ne pas surdoser ?
Il est très facile de gâcher une excellente bière en surdosant les additifs. Comment faire alors pour savoir quelle est la quantité adaptée ?
Mauvaise nouvelle : il y a autant de réponses que d’épices, d’aromates et de brasseurs. Certains conseillent d’estimer la quantité idéale et de la diviser par deux. Cela peut fonctionner, mais ce n’est pas très précis. Or, parfois cela se joue à 1 g. Vous pouvez également analyser des recettes similaires à la vôtre, pour vous faire une idée.
Le plus simple est d’expérimenter, en y allant progressivement. De manière générale, il est préférable de sous-doser, puis d’ajuster petit à petit dans vos futurs brassins, que l’inverse.
Comme ce sont des additifs culinaires, vous pouvez également analyser leur usage traditionnel en cuisine (dosage et mélanges) et appliquer cette réflexion à vos brassins.
Il vous faudra aussi considérer les habitudes de vos consommateurs qui, en fonction du pays où vous diffusez vos bières, sont plus ou moins sensibles aux épices.
Enfin, pensez à l’équilibre et la complémentarité des saveurs entre vos différents ingrédients, notamment le malt et le houblon. Un surdosage risquerait de rompre cet équilibre subtil.
Quel conditionnement privilégier ?
Vous pouvez incorporer vos additifs à votre moût sous différentes formes : entiers, en poudre, râpés ou encore sous forme de teinture mère ou d’huiles essentielles.
Voici quelques bonnes pratiques :
- Les herbes doivent être les plus fraîches possible.
- Si vous n’avez pas accès à des herbes fraîches, des herbes sèches feront l’affaire à condition qu’elles ne soient pas trop vieilles. Attention à ajuster vos quantités, car les herbes sèches sont plus concentrées que les fraîches.
- Les épices en poudre peuvent être délayées dans un peu d’eau froide, pour réduire le risque de grumeaux.
- Certaines épices, comme la coriandre, le poivre ou les baies roses, sont à privilégier sous leur forme de graine moulue au dernier moment. En poudre, elles perdent vite de leur saveur.
- Il est préférable de faire vos mélanges vous-même, pour une meilleure maîtrise de l’équilibre des saveurs que ne permettent pas les mélanges du commerce.
Si les huiles essentielles ne sont pas hydrosolubles, elles se diluent très bien dans l’alcool. Vous pouvez donc les ajouter au moment de l’embouteillage. Attention toutefois, car elles contiennent à la fois les arômes, mais aussi les principes actifs. En outre, certaines huiles ne peuvent être ingérées ou mélangées avec d’autres. De ce fait, l’usage des huiles essentielles nécessite de nombreuses précautions.
La teinture mère, quant à elle, est un extrait de végétaux très concentré obtenu par infusion dans de l’alcool à 40 ° minimum (plus le taux d’alcool est élevé, plus l’extraction des arômes sera rapide et efficace). La vodka est conseillée, car neutre en goût. Contrairement aux huiles essentielles, seuls les arômes sont extraits. Une fois la macération terminée, vous filtrez et ajoutez la teinture mère pendant la fermentation ou à l’embouteillage.
Son principal avantage est de limiter les risques de contamination tout en optimisant la libération des arômes. Ajoutée lors de l’embouteillage, vous pourrez facilement tester différentes concentrations.
Pas de panique concernant votre taux d’alcool final ! L’effet de quelques centilitres dans un brassin de 20 litres est négligeable, surtout s’il est ajouté après la fermentation primaire.
Où acheter vos épices et aromates ?
Comme indiqué précédemment, il est préférable d’utiliser des condiments frais que vous râperez, moudrez ou découperez vous-même.
Pour vos épices en poudre, l’idéal est de vous rendre chez un épicier. En plus du large choix, il saura vous conseiller sur les dosages et les associations.
Vous pouvez également vous fournir dans notre boutique :
Vanille Gousse (Madagascar Extra-Gourmet)
Extrait de Vanille Liquide de Madagascar - 60gr
Gingembre (poudre)
Graines de paradis « maniguette »
Thé noir 100 gr
Mortier porcelaine + pillon 16cm diam.
Professionnels : les précisions à apporter sur l’étiquette
Depuis 2016, il est possible d’ajouter des herbes aromatiques autres que le houblon dans les boissons commercialisées sous le nom de « bière ».
Toutefois, certaines contraintes sont à respecter. Celles-ci sont décrites dans le Guide détaillé de la DGCCRF sur l’étiquetage des bières (document PDF), en vigueur au moment de la rédaction de cet article.
En voici les principales :
- L’ajout d’herbes aromatiques et d’épices naturelles doit être mentionné dans l’étiquetage de la bière.
- Le critère distinctif entre les dénominations « bière » et « bière à » réside dans le caractère perceptible ou non du goût des additifs. Pour que les caractéristiques aromatiques typiques d’un ingrédient ne soient pas perceptibles, celui-ci doit être incorporé en quantité négligeable. Le professionnel doit utiliser la dénomination qui donne l’information la plus appropriée au consommateur, compte tenu des flaveurs que celui-ci peut identifier en tant que telles dans sa boisson.
- La dénomination « bière aromatisée » sera utilisée lorsqu’un arôme est mis en œuvre. On entend par arôme tout produit non destiné à être consommé en l’état et qui est ajouté à des produits alimentaires pour en modifier le goût ou l’odeur.
Exemples :
Ingrédients | Dénomination |
---|---|
Bière + coriandre + zeste d’orange, en quantité non perceptible | « Bière » + indication sur l’étiquette des ingrédients ajoutés |
Bière + cannelle, dont la flaveur est perceptible | « Bière à la cannelle » |
Bière + arômes naturels de pêche | « Bière aromatisée à la pêche » ou « bière aromatisée aux arômes naturels de pêche » |
Cet article vous a donné les bases pour brasser avec des épices et des aromates. Comme toujours, expérimentez et n’ayez pas peur de casser les codes !
N’hésitez pas à nous partager vos recettes les plus folles sur Littlebock.
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